BIBLIOTHÈQUES DES CENTRES SOCIO-CULTURELS DE LA VILLE DE DAKAR

lundi 13 mars 2023
par  LEA
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Les relations entre Lire en Afrique et l’administration de la ville de Dakar ont débuté 2004. Mais les actions de Lire en Afrique dans le périmètre de la ville, avaient commencé bien avant cette date. C’est en constatant la qualité du travail réalisé dans les bibliothèques des centres culturels de Yoff (2004), N’gor et Ouakam (1997), que la ville a voulu saisir l’opportunité d’équiper ou relancer les bibliothèques dans ses 19 centres socio-culturels installés dans chacune des 19 communes d’arrondissement. Elle a sollicité un partenariat avec l’association Lire en Afrique. Très réticente, Lire en Afrique ne s’est finalement engagée dans ce partenariat que lorsqu’un nouveau directeur de la culture y a été nommé. Nous partagions la même vision concernant le rôle de la lecture et de la culture, le rôle des bibliothèques des centres culturels de la ville. Hélas, il ne fut en poste que quelques mois et n’a jamais pu mettre en place la moindre réforme dans la gestion de ces centres. Rétrospectivement, ce partenariat s’est avéré fictif. En effet seul l’un des protagonistes a assuré 100% de l’activité (Lire en Afrique) et l’autre rien (ville de Dakar) ! malgré une totale dissymétrie des forces en présence : une association de 2 personnes bénévoles d’un côté, une administration avec les moyens d’une grande ville, un service d’une quinzaine de fonctionnaires dédié à la culture, un budget de 20 millions de francs CFA, destiné à l’achat de livres, jamais consommé à cet effet. Dans ce contexte défavorable, Lire en Afrique peut s’enorgueillir d’avoir, dans cette période de 2005 à 2012, installé et accompagné 11 bibliothèques de lecture publique dans les centres socio-culturels de la ville de Dakar.
Si ce n’était la volonté et la ténacité d’aboutir de Lire en Afrique, consciente du besoin des populations, Dakar serait aujourd’hui un grand désert en matière de lecture publique.

1992 PREMIER CONTACT AVEC LE MAIRE DE LA VILLE DE DAKAR, A L’OCCASION DE LA MISE EN PLACE DE LA BOSY - BIBLIOTHÈQUE OUSMANE SEMBENE DE YOFF

Les fondatrices de Lire en Afrique sont, à cette époque, actives au sein de l’ARYF, Association des Ressortissants Yoffois en France, et investies dans le projet de bibliothèque avec la mise en place de la BOSY (Bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff).

L’association a apporté 3000 livres et un budget destiné à faire fabriquer les équipements. Pour compléter ces derniers, les yoffois se sont adressés à Mamadou Diop, maire de la communauté urbaine de Dakar dont Yoff fait partie, pour obtenir un complément d’équipement. Mamadou Diop a répondu positivement en nous mettant immédiatement en contact avec son responsable de la culture Yahia N’doye, lui aussi yoffois. Une étagère de belle facture et une grande table ont été livrées à la bibliothèque, et il s’est invité à l’inauguration de la bibliothèque.

Cette première rencontre avec le maire de Dakar en 1992 a été conduite directement par les yoffois, non pas comme une relation institutionnelle, mais comme peuvent le faire des yoffois vis à vis d’un membre de leur village.
Dans les années 90, la ville de Dakar a lancé la construction de ses premiers centres socio-culturels équipés d’une salle destinée à devenir bibliothèque. Le premier à sortir de terre est celui de Derklé en 1992. Ensuite viendront N’gor, Medina, Parcelles Assainies, Sicap Jet d’eau, puis Sacré Cœur en 1996. Les locaux sont vastes, les collections importantes, le mobilier professionnel est importé, le personnel est formé. Ce grand projet est conduit avec la coopération française, qui, à la même époque assiste l’État sénégalais dans l’équipement de ses bibliothèques régionales avec, comme interlocuteur au ministère de la culture, Remy Sagna, directeur du livre et de la lecture.

EN DIRECT AVEC LES POPULATIONS, LIRE EN AFRIQUE EST AMENÉE A DOTER LES BIBLIOTHÈQUES DES CENTRES SOCIO-CULTURELS CONSTRUITS PAR LA VILLE DE DAKAR,

Appui à la bibliothèque du centre socio-culturel de Ngor

Certes, nous avons approvisionné la bibliothèque de N’gor, appartenant à la ville de Dakar, mais nous l’avons fait directement en relation avec le COJEN (collectif des jeunes de N’gor) venu nous solliciter et qui détenait son propre fonds dans cette bibliothèque.

Transfert de la BISO (Bibliothèque Issa Samb de Ouakam) du foyer des jeunes au centre socio-culturel de Ouakam

En 2003, 13 nouveaux centres socio-culturels, tous construits selon le même plan, sont livrés, qui terminent l’équipement de la ville : Hann Bel Air, Point E, Fass, Grand Dakar, Grand Yoff, Biscuiterie, HLM, Liberté VI, Ouakam, Ngor, Yoff Extension, Camberène, Grand Médine-Patte d’oie). Si ces centres comportent un espace bibliothèque, ils sont livrés vides, sans équipement ni collection.

En 2004, le centre culturel de Ouakam, propriété de la ville de Dakar entre en fonctionnement. Il est construit sur le même terrain que le foyer des jeunes de Ouakam et les deux entités se mettent d’accord pour répartir les activités entre elles. Les activités culturelles, dont la bibliothèque Issa Samb de Ouakam (BISO) créée grâce à Lire en Afrique en 1997, sont transférées dans le nouveau bâtiment.

Lire en Afrique est informée, en vertu de la charte qui stipule que les livres sont mis à disposition des populations et ne peuvent être affectés à une autre destination sans son accord. Nous donnons cet accord de vive voix, lors d’une rencontre avec les responsables des deux entités : le foyer des jeunes représenté par Pape Alioune Wade et le centre socio-culturel par son directeur Simon Diedhiou. Ainsi, la bibliothèque communautaire de Ouakam, entre-t-elle dans le périmètre de responsabilité de la ville de Dakar.

Fourniture des collections à la bibliothèque du centre culturel de Yoff Extension pour préserver celles de la BOSY.

Nous continuons à suivre les bibliothèques que nous avons installées. A Yoff, lors de notre visite, en 2002, nous apprenons que le propriétaire du foyer des jeunes où est logée la bibliothèque Ousmane Sembene de Yoff (BOSY) veut vendre cette maison.
Devant l’incertitude qui plane sur l’avenir de la BOSY et les informations qui circulent à propos des locaux, nous sollicitons une audience avec Mamadou Diop, ancien maire de Dakar et actuel maire de Yoff, érigée entre temps en commune d’arrondissement. A cette réunion participent le maire, le 2ème adjoint, une délégation de 3 bibliothécaires de la BOSY : Mamadou N’Doye, Alioune Gueye et Ousmane N’Doye accompagnés de Marie Josèphe et Eliane de Lire en Afrique.

Le maire entend arrêter la location de la maison qui héberge la BOSY et transférer son fonds documentaire dans le nouveau centre socio-culturel, situé dans les zones d’extension en pleine construction.

Nous argumentons en faveur du maintien de la BOSY dans son quartier traditionnel lébou de M’benguene.
Selon nos estimations, seul un quart du fonds de la BOSY de 10 000 livres pourrait tenir dans l’espace bibliothèque prévu dans la salle dédiée du nouveau centre socio-culturel de Yoff Extension.
La ville de Yoff connaissant une importante augmentation de sa population, avec des dizaines de nouveaux quartiers, la création d’une seconde bibliothèque de lecture publique est envisageable ce qui éviterait de priver de livres les quartiers traditionnels desservis par la BOSY.

Le second adjoint, lui-même lecteur de la BOSY, appuie notre argumentation en faveur de son maintien à M’benguene.
Le maire donne son accord pour maintenir la BOSY dans ses locaux, à condition que nous équipions le centre culturel de Yoff Extension. Nous nous engageons et il donne instruction d’acheter la maison de Gane N’doye, qui souhaite vendre.

Heureuse conjonction de circonstances : en octobre 2003, alors que nous avons préparé une dotation de 4000 livres pour constituer la bibliothèque de Pout, à la demande de Gana Fall, la Direction du Livre et de la Lecture (DLL) nous informe qu’il existe déjà un CLAC à Pout. Nous décidons de ne pas doublonner les équipements à Pout et sortons de ce projet. Les 4000 livres peuvent opportunément être réaffectés à cette nouvelle bibliothèque du centre culturel de Yoff Extension.

Pour avancer sur les modalités pratiques de réalisation de ce projet, nous cherchons un interlocuteur. Alors que jusqu’en 2004, il n’y avait jamais eu de contact entre Lire en Afrique et l’administration de la ville de Dakar, c’est par ce projet de bibliothèque que Lire en Afrique entre véritablement en relation avec la ville de Dakar, propriétaire des centres socio-culturels,

LES PREMIÈRES RELATIONS OFFICIELLES DE LIRE EN AFRIQUE AVEC LA VILLE DE DAKAR LA CONFORTE DANS SON CHOIX D’OPÉRER EN DIRECT AVEC LES POPULATIONS ET LEURS PORTEURS DE PROJET ET NON AVEC L’ADMINISTRATION DE LA VILLE

Pour prendre contact avec la ville de Dakar afin d’avancer dans la mise en place de la bibliothèque de Yoff Extension, Éliane, pense à rencontrer Omar N’doye, ancien membre de l’ARYF comme nous, maintenant directeur de la DASS à la mairie de Dakar (Direction des Affaires Sanitaires et Sociales). Omar N’doye, à qui nous rendons visite chez lui, nous dit être en très bons termes avec le maire de Dakar, par ailleurs président de l’Assemblée Nationale – Il le rencontre quotidiennement. Il nous précise que les centres socio-culturels sont gérés en direct par la ville de Dakar et Mamadou Diop, maire de Yoff n’a pas vocation à s’en occuper. Le recrutement du personnel des centres est en cours. Omar nous propose de venir à la mairie de Dakar, il nous présentera à son collègue de la DEC (Direction de la Culture) responsable des centres socio-culturels de la ville de Dakar. Ce dernier nous informe que le mobilier prévu pour les centres sera livré dans 2 à 3 semaines. Pour les livres, rien n’est prévu et le budget de la ville ne pourra pas faire face à cette charge, il a donc besoin d’une aide extérieure et prend donc notre proposition de dotation pour une aubaine, nous demandant de doter également les autres centres.

Il nous demande de suivre la procédure de la mairie, en faisant livrer les palettes de livres à la DAU (Direction de l’Aménagement Urbain) où un comptable matière les enregistrera. Nous insistons pour que la dotation ne soit pas démembrée, elle est destinée à la bibliothèque du centre socio culturel Yoff Extension et nous souhaitons que l’intégralité du fonds, tel que nous l’avons constitué, parvienne à Yoff. Sa réponse nous fait comprendre qu’il n’en sera rien. Nous relatons l’entretien à Omar Ndoye et lui faisons part de nos réticences. Immédiatement, comprenant nos craintes, il précise que seuls les achats doivent passer par la DAU, tandis que les dons peuvent être affectés directement à leur destinataire. Il nous propose de lui adresser les livres à lui, en tant que Directeur de l’Action Sanitaire et Sociale, et de les faire livrer directement à Yoff. Ce que nous faisons.

Lors de notre séjour de décembre 2004, de passage dans cette bibliothèque, nous constatons que la bibliothèque ne dispose toujours pas d’équipements : les étagères promises par la mairie de Dakar ne sont toujours pas arrivées. Les deux bibliothécaires recrutées ont enregistré tous les livres mais installé à peine 20 % du fonds sur les deux étagères livrées par la mairie, le reste est toujours en cartons, en vrac, les cartons ouverts. La bibliothèque fonctionne et reçoit les élèves du CEM situé à proximité.
De plus, le centre socioculturel n’a toujours ni eau ni électricité, il est très sale, personne n’est recruté pour faire le ménage. Nous n’aurons pas l’occasion de discuter avec le directeur, Joachim Badiane, entièrement pris par l’organisation des fêtes léboues. Nous faisons part de nos constats à Omar N’doye toujours en poste à la ville de Dakar, qui nous conseille d’écrire au maire, il fera suivre. Ce que nous faisons.

2005-2007 Lire en Afrique consent à équiper la bibliothèque du centre socio-culturel de POINT E mais en direct avec la directrice du centre.

Louise Faye, directrice du centre culturel de Point E, nous a sollicitées pour y installer une bibliothèque. En mai 2005, découvrant ce centre, nous sommes agréablement surprises. Il y a de la vie, c’est propre et des artistes sont à l’initiative de peintures murales. Elle a déjà commencé les activités, des artistes y exposent.
Nous l’informons que nous n’envisageons pas d’équiper les centres culturels de la ville de Dakar, projet trop gigantesque pour une petite association comme la nôtre et nous lui conseillons de s’adresser à la DLL pour le mobilier et la dotation en livres. Pour l’encourager, nous lui offrons 5 cartons de livres qui viennent d’arriver par conteneur à Pikine : un jeu de manuels et 2 cartons de petits classiques Hachette.
Lors de notre séjour suivant, en juillet 2005, Louise Faye attend toujours les étagères de la mairie de Dakar. Selon elle, depuis notre lettre au maire, concernant les équipements de Yoff, ça bouge à la mairie de Dakar. Le maire serait intervenu pour faire débloquer la situation, et l’équipement des bibliothèques de Yoff, Point E et Fass serait prioritaire. Cependant aucune date n’est avancée.

Nous lui annonçons qu’exceptionnellement, et parce qu’elle s’implique beaucoup dans ce projet de bibliothèque, nous acceptons de l’aider et nous allons préparer sa dotation. Elle est très contente d’apprendre cette nouvelle. Elle réfléchit à installer la bibliothèque au rez-de-chaussée, dans la grande salle, mais dans ce cas, elle ne disposerait plus de salle polyvalente, elle continue à réfléchir. Elle pense recevoir beaucoup de retraités dans sa bibliothèque. Il y a aussi 7 écoles à proximité, y compris des lycées.
Ce sont finalement 3 500 livres que nous lui attribuons, arrivés par le conteneur Lire en Afrique de 2006. Angélique, a été recrutée, en tant que bénévole « dédommagée » par le centre, pour prendre en charge la bibliothèque. Nous l’invitons à participer au stage de formation que nous organisons à Ngasobil, ainsi qu’aux cérémonies de Joal en octobre 2006. Angélique s’avérera être la meilleure bibliothécaire de la ville de Dakar, elle connaît les livres, elle aime la lecture et la transmission aux jeunes, elle est très inventive dans les méthodes. Malheureusement elle ne sera jamais recrutée malgré les promesses répétées et a fini par s’exiler aux Etats-Unis, en tant qu’immigrée sans papier. La ville de Dakar a perdu sa meilleure bibliothécaire.

2007 Le directeur de la DEC, à la mairie de Dakar, renouvelle sa demande d’équiper les bibliothèques de ses centres culturels, refus de Lire en Afrique.

Informé de notre présence au Sénégal par Louise Faye, directrice de Pont E, le directeur de la DEC, appelle Eliane et, sur un ton très autoritaire, demande, une fois de plus, que Lire en Afrique équipe tous ses centres culturels d’une bibliothèque. Au cours de la conversation téléphonique Éliane lui parle du stage « jouer la science » que nous organisons dans le centre culturel de Yoff Extension. Ce stage est destiné, entre autres aux bibliothécaires de ses centres et elle l’invite à venir à Yoff visiter l’exposition science que nous avons accrochée et à faire l’ouverture ou la fermeture du stage. Il refuse.

Pour lui, c’est à nous de nous déplacer vers son bureau, et pas à lui de se déplacer vers nous ! Et voilà encore une fois, alors qu’il est en position de solliciteur, il souhaite faire montre de sa position dominante et nous obliger à nous plier à ses caprices. Il ne s’intéresse absolument pas aux bibliothèques, alors qu’il est enseignant, et que nous formons gracieusement son personnel, sans que çà lui coûte de moindre centime.
Pour le rendez-vous qu’il a sollicité, nous sommes sur place à 8H45 pour un RV à 9H, La secrétaire nous fait entrer dans le bureau. Il est là et lit son journal avec ostentation, sans nous adresser la parole, ni répondre à nos salutations. Marie Josèphe admire le paysage depuis la fenêtre et fait ses commentaires à haute voix. A 9H30, il propose de commencer la réunion, et là, il nous demande sans préambule, d’équiper 5 de ses centres socio-culturels : Derklé, Hann Belair, Parcelles Assainies, Sicap jet d’eau et Biscuiterie.

Nous profitons de cet entretien pour relever les incohérences de ses services : les bibliothèques laissées plusieurs années sans mobilier, les malfaçons des étagères livrées par la ville au centre socio-culturel de Yoff Extension : conception rudimentaire, meubles en contreplaqué fin, absence de finitions, l’attribution au seul centre socio-culturel de Fass de tous les titres en 20 exemplaires, édités par NEAS (Nouvelles Editions Africaines du Sénégal). Faute d’être utilisés, ces livres sont enfermés dans des armoires, il serait logique de les distribuer à l’ensemble des 19 centres, à raison d’un exemplaire de chaque titre par centre. Il nous répond que cette opération a été faite pour des raisons politiques et que nous ne pouvons pas comprendre.

Nous apprendrons par la suite que le maire, a souhaité combler sa commune d’origine, Fass. Pour ce faire, il a utilisé l’intégralité du budget que la ville de Dakar destine en théorie aux bibliothèques (N.B. jamais, à cette exception près, cette ligne budgétaire n’a été utilisée conformément à son objet), soit 20 millions de FCFA, pour l’achat de livres NEAS, l’éditeur national, tous livrés, avec peu de titres en de multiples exemplaires, au centre socio-culturel de Fass qu’il a également doté d’équipements informatiques dernier cri, dont on ne trouvera plus trace 3 ans plus tard. Ne reste que la plaque en marbre matérialisant ce don.

Le directeur de la DEC nous informe avoir été contacté par une ONG française lui proposant un conteneur de livres. Il a accepté, et la mairie a dû dépenser 11 millions de FCFA pour frais d’entreposage pour le sortir du port où ils étaient restés 6 mois. En fait le conteneur ne contenait rien d’exploitable. La même ONG vient de leur faire la même proposition de conteneur mais cette fois, la mairie a refusé. Ce qu’il veut ce sont nos livres qui sont de « vrais livres ».

Nous précisons que nous ne travaillons pas avec les municipalités, mais avec les populations en direct. Nos interventions dans les centres socio-culturels dépendant de la ville de Dakar, tels que ceux de Yoff, Ouakam, N’gor, Point E, ont été réalisées en relation directe avec les populations et non avec l’institution. Notre association, qui dispose de peu de moyens, n’est pas configurée pour travailler avec une grosse municipalité comme celle de Dakar en capacité de solliciter d’autres partenaires institutionnels disposant de moyens et de ressources.

Malgré ce refus, il nous propose de travailler avec lui, selon un protocole que nous devons écrire et lui soumettre.

Comment peut-il imaginer que nous ayant envie de travailler avec cette administration qui nous traite avec condescendance, critique nos initiatives, ne fait rien, n’entreprend rien, ne prend aucune initiative. Nous n’avons nulle envie de travailler avec elle !

2008, LA DONNE CHANGE AVEC LE NOUVEAU DIRECTEUR DE LA DEC (Direction de la culture à la ville de Dakar)

Lors de notre séjour de 2008, nous apprenons la nomination d’un nouveau directeur à l’action culturelle à la ville de Dakar. Cet ancien fonctionnaire de l’Éducation Nationale à la retraite, a notamment piloté le plan de déploiement des collèges au Sénégal. Il fait actuellement le tour des centres socioculturels de la ville de Dakar, organise des réunions. Il sollicite les directeurs de centre pour concevoir des plans d’actions. En visitant Point E, il a minutieusement examiné les livres de la bibliothèque, il connaît également les fonds documentaires de Yoff et Ouakam et Louise Faye lui a parlé de Lire en Afrique, il souhaite nous rencontrer.

Il nous reçoit en présence d’une chargée de mission culture auprès du maire, de Monsieur Lo, responsable des centres culturels de la ville. Un autre fonctionnaire municipal prend des notes pendant l’entretien.
Ce nouveau directeur nous fait très bonne impression, il nous dit avoir été missionné par le maire de Dakar pour dynamiser la politique culturelle de la ville et en particulier les centres socioculturels. Il va soumettre un plan d’actions qui devrait être mis en œuvre à compter de janvier 2009. Il propose notamment le recrutement des bénévoles qui œuvrent dans les centres socioculturels et se propose de muter les personnels, directeurs compris, qui n’ont pas fait preuve de dynamisme dans leur poste. Nous faisons quelques suggestions tirées de notre propre analyse et il demande à ses équipes de noter ces propositions :

  • Revoir les heures d’ouverture : ouvrir les bibliothèques aux heures de bureau 9H – 15H du lundi au vendredi ne correspond pas au rythme des lecteurs, il faut plutôt ouvrir en soirée jusque 20H et le samedi, quand les lecteurs sont disponibles.
  • Revoir le prix de l’adhésion : les bibliothèques n’ont pas vocation à rapporter des financements aux centres culturels. Le prix de l’adhésion doit être fixé en cohérence avec les revenus de la majorité des populations : quelques centaines de FCFA annuels tout au plus.
  • Les bibliothécaires en poste, agents municipaux, n’ont aucune formation, il est nécessaire de les former et de les encadrer. Nous évoquons le cas particulier de Ouakam où Pape Alioune Wade gère la bibliothèque bénévolement depuis 1997, la mairie fait miroiter un recrutement depuis 2004, sans y procéder.

Il nous fait part de sa grande idée : lancer un concours d’orthographe avec une dictée cachée dans les 3 livres qui seront achetés par la mairie et mis dans chaque bibliothèque avec récompense des lauréats et de leurs enseignants : renouvelée chaque année, cette opération contribuera à faire lire au moins trois livres par an, selon lui.

Il nous demande de doter les bibliothèques des centres socio-culturels de Derklé, Parcelles Assainies et Sacré Cœur qui disposent des équipements, de l’espace, des personnels mais ne fonctionnent plus depuis longtemps, faute de livres.

En première mission, il promet de redistribuer les 3000 livres de Fass entassés dans les armoires.

LIRE EN AFRIQUE S’ENGAGE A ÉQUIPER LES BIBLIOTHÈQUES DES CENTRES CULTURELS DE LA VILLE DE DAKAR

Nous voici donc avec une demande officielle émanant d’un véritable professionnel qui formule des objectifs pour les centres socio-culturels et les bibliothèques. A son actif, il a piloté la décentralisation scolaire qui a permis l’implantation de CEM dans tout le pays. Pour la première fois, nous nous sentons écoutées et en phase avec un interlocuteur institutionnel.

Le projet d’équipement de trois premières bibliothèques est déposé par Lire en Afrique auprès de la Région Ile de France

Plusieurs réflexions nous conduisent à accepter ce projet malgré nos réticences vis-à-vis de l’institution.
En 2003, nous avons conduit une étude sur l’existant en matière de lecture publique dans la région de Dakar, à la demande du conseil régional de Paris Ile de France. Cette étude a mis en évidence l’absence quasi générale de bibliothèques de lecture publique alors que le public cible - les élèves du primaire et secondaire - atteint le demi-million dans ce périmètre et a un impérieux besoin de lecture ne serait-ce que pour accompagner sa scolarité. Nous avons visité systématiquement tous les points de lecture recensés, y compris les équipements dédiés à la fonction, mais vides de collection.

La ville de Dakar, avec ses centres socio-culturels, dispose de locaux neufs, corrects, installés selon un maillage intéressant sur son territoire. Ce projet pourrait être une étape vers la création d’un réseau de bibliothèques de proximité, le réel besoin, mis en évidence par notre étude de 2003. Depuis 7 ans, la situation n’a pas changé.
Avec une demande officielle, émanant d’une collectivité territoriale, Lire en Afrique pourra peut-être obtenir plus facilement des subventions et évoluer vers l’achat de livres choisis en complément des livres collectés. Ces derniers sont certes sélectionnés avec soin par Lire en Afrique dans les stocks de désherbage que l’on lui propose, mais il y manque notamment la littérature africaine et le para scolaire en quantité, ainsi que la littérature jeunesse, difficile à trouver.

Nous déposons une demande de financement à la Région Île de France. Cette dernière n’intervient dans le financement de projet qu’en co-financement, il nous faut trouver les 50 % complémentaires. Nous proposons que Lire en Afrique soit co-financeur en valorisant nos apports en industrie, en gestion de projet et en livres collectés.

La demande de subvention pour le projet Ville de Dakar est acceptée par le conseil régional Paris Ile de France

A la région ïle de France, notre interlocutrice, Brigitte Field, la chef de mission pour la coopération avec Dakar, est au fait des réalisations de Lire en Afrique et les apprécie.
L’opération « Moi je lis », à laquelle elle a participé, fut un grand succès. Présente à la cérémonie officielle organisée à Joal en 2006, elle a beaucoup apprécié la qualité des livres choisis pour la dotation de 600 ouvrages destinés à 20 bibliothèques Lire en Afrique, leur mise en valeur dans des brochures thématiques, les supports de communication destinés à faire connaître les bibliothèques dans leur milieu. Nous avions dressé un compte rendu, très bien présenté et illustré qu’elle a pu faire circuler dans son département.

Depuis lors, elle suit de près nos activités. Au salon du livre de mars à Paris, elle a assisté à l’intervention de Lire en Afrique à la table ronde organisée par ADIFLOR sur le « livre et la lecture en Afrique » et elle a regardé minutieusement notre visuel diffusé sur le stand de l’institut français. Il présentait les bibliothèques déjà réalisées et nos démarches et méthodes. Bien que non institutionnelle, l’image de notre association est très bonne, la situation évolue.

Par ailleurs, le partenariat entre la région Ile de France et la région de Dakar est en stand-by. Brigitte Field maintient cependant un petit courant d’activité en direct avec deux associations : « village pilote » qui intervient auprès d’une vingtaine de talibés à Pikine et une association installée à Sangalkam dont le projet est d’accueillir les femmes immigrées de retour dans leur pays d’origine. Elle accepte notre demande et pense pouvoir convaincre sa hiérarchie de nous accorder une subvention.

Notre proposition est acceptée et nous obtenons un budget pour équiper en livres, selon notre modèle économique, les trois bibliothèques réclamées par la ville de Dakar.

Les fonds nous sont versés directement, la ville de Dakar n’intervenant pas dans le processus d’acquisition des livres. Les subventions sont versées en plusieurs échéances et le solde postérieurement à l’achèvement du projet. Il nous faut un fonds de roulement conséquent pour pouvoir pré financer les achats. Marie Josèphe et Éliane exécutent un travail rémunéré, extérieur à leur activité professionnelle, et versent cette rémunération au compte de Lire en Afrique pour en constituer le fonds de roulement.

Sur place, le projet démarre dans un contexte bousculé par le changement de majorité municipale

Les élections municipales de mars 2009 ont balayé les sortants. Dakar, et pratiquement toutes les communes d’arrondissement, changent d’équipe. Lors de notre séjour, les passations de pouvoir n’ont pas encore été organisées par les préfets.

Nous prenons rendez-vous avec monsieur Lo, à la mairie de Dakar, responsable de la lecture à la DEC (Direction de l’Education et de la Culture) et profitons de son arrivée tardive pour aller saluer son directeur. Ce dernier attend son remplaçant. Il nous parle des six derniers mois passés à la tête de la culture et de l’éducation de la mairie de Dakar et nous fait part de son écœurement. Il a pris le sujet à bras le corps, visité tous les centres socioculturels à plusieurs reprises, demandé aux équipes de proposer des plans d’actions triennaux. Il en a fait une synthèse, a élaboré cinq projets transmis au maire de Dakar. Il n’a reçu aucune réponse, tout a été gelé. Mieux, à réception de son rapport, le maire a désigné un chargé de mission pour refaire l’enquête et ainsi le désavouer. Il n’y a pas la moindre délégation de pouvoir dans cette mairie, tout doit passer par le maire, aucune initiative n’est tolérée. Les décisions prises ne sont pas exécutées. Tout le budget de la mairie passe en « prestations sociales » (comprendre billet d’avion pour La Mecque, mouton de la tabaski, distribution d’enveloppes ...).

Les différents fonctionnaires municipaux que nous rencontrons sont tous enchantés du changement de majorité, dénonçant l’immobilisme et la gabegie. Ils nous disent que les sortants étaient incultes et ne pensaient qu’à s’enrichir. La politique culturelle de la ville avait été lancée par le PS alors à la tête de la ville de Dakar, mais a ensuite été stérilisée par les successeurs. Ils attendent beaucoup du PS revenu aux affaires pour débloquer la situation.

Nous faisons le point avec monsieur Lo, avant de statuer sur l’attribution des dotations pour ses 3 centres. Il reconduit la proposition d’équiper en priorité : Parcelles Assainies, Derklé et Sacré Cœur. Ce sont les premiers centres créés par la mairie de Dakar, équipés dans les années 90. Il sont fonctionnels, équipés, dotés de personnel, mais ont besoin de renouveler complètement leurs collections désuètes, usées, et en partie dilapidées.

Il nous fait visiter.
Sacré Cœur : la bibliothèque a été fermée, étagères et livres résiduels, en vrac, sont remisés derrière un rideau laissant la place libre pour des répétitions de danse. Nous demandons le nettoyage des locaux, la remise en place des étagères ainsi que des livres. Ils les estiment vieux, mais selon nos critères, ils ne le sont pas, ils sont toujours en bon état et doivent être conservés.
Derklé : le directeur nous assure que la bibliothèque a son autonomie de gestion. Le centre est très fréquenté. La salle de lecture de la bibliothèque a été pour partie démantelée et transformée en salle de formation pour jeunes filles, mais l’espace dédié à la bibliothèque reste tout à fait suffisant.
Parcelles Assainies : Le directeur du centre a été muté à Ouakam, par suite de difficultés avec les élus de Parcelles Assainies qui souhaitaient s’approprier la gestion du centre. Nous avions appris que la bibliothèque venait de recevoir une dotation en livres de l’association Culture et Développement. Nous analysons le registre d’inventaire, la bibliothèque a enregistré 380 livres, don de Culture et Développement dont 2/3 des éditions Edicef/NEA, chaque titre en au moins 5 exemplaires ce qui fait peu de titres. Il y a aussi quelques livres provenant de Biblionef que nous reconnaissons. Les locaux sont spacieux et les rayonnages nombreux.

Selon Monsieur Lo, les bibliothécaires de Derklé et de Parcelles Assainies, en poste depuis le début des bibliothèques de la ville, ont reçu une formation. Les pré requis étant réalisés, nous lui proposons d’organiser sans plus tarder l’enlèvement à Joal, des collections des trois sites ciblés.

Entre temps, Le nouveau directeur de la DEC a été nommé. C’est un ami du maire, universitaire, dramaturge, scénariste et metteur en scène. Nous souhaitons le rencontrer mais après avoir remis consécutivement deux rendez-vous, il délègue complètement ce projet à monsieur Lo.

Une délégation de la ville de Dakar vient à Joal prendre livraison des collections destinées aux bibliothèques de Sacré Cœur, Derklé, Parcelles Assainies.

Une délégation de 15 personnes arrive à Joal, au collège de la Petite Côte. Il y a l’équipe au complet de Monsieur Lo, les trois bibliothécaires destinataires et les services de logistique de la ville. Ils sont venus dans un car de la mairie et sont équipés d’une caméra vidéo pour immortaliser ce moment. Le collège de la Petite Côte est désert ce samedi, il n’y a pas classe, nous sommes seules. Monsieur Lo nous avait demandé si nous avions prévu une réception, nous lui avions précisé que rien de tel n’était prévu. Les locaux dont nous disposons sont juste un entrepôt de livres, dans un local prêté par un collège.

A la descente du car, monsieur Lo prononce un discours destiné à ses collaborateurs : il magnifie l’engagement du nouveau maire pour les bibliothèques. Selon lui, il a prouvé cet engagement en allouant à la délégation la somme de 140 000 FCFA à se répartir entre eux et en mettant à leur disposition un car climatisé avec des bons d’essence pour venir à Joal chercher les livres ! Nous les invitons dans notre local rempli de colonnes de cartons sans une seule place pour s’asseoir, les étagères y débordent de livres. Nous leur présentons la dotation et les brochures descriptives des livres. Nous avons préparé à l’avance les cartons en mentionnant sur chacun la destination pour éviter les confusions lors de l’attribution.

Vient le moment du chargement des cartons. Le car ne pouvant entrer dans la cour du collège, il faut les porter jusqu’à la rue. Moment très cocasse. Personne de notre côté pour transporter les cartons et charger, à part nous deux. De leur côté, 14 hommes qui ne sont pas habitués à travailler de leurs mains et la secrétaire ultra maquillée qui est restée assise dans la cour pendant tout ce temps. Finalement ils doivent retrousser leurs manches et charger les cartons. Marie Josèphe remet à chaque bibliothécaire sa liste de colisage et, à la direction, une synthèse globale des trois dotations. Nous avions pensé les inviter au restaurant pour leur offrir un verre mais comme ils disposent de moyens avec la somme qui leur a été allouée par la mairie, nous renonçons. Ils sont d’ailleurs très pressés d’aller acheter des coquillages à Fadiouth et du poisson au port. C’est moins cher à Joal. Décidément nous serons toujours en décalage avec les fonctionnaires.

Trois semaines après la prise en charge à Joal, nous visitons les trois bibliothèques en compagnie de monsieur Lo : la mise en place a commencé à Parcelles, est à peine démarrée à Derklé et en panne à Sacré Cœur qui ne dispose pas de bibliothécaire. Madame Wardini, élue de la commune d’arrondissement, s’investit personnellement pour trouver une solution : une bénévole va enregistrer les livres et le directeur de la DEC lui a promis d’affecter un bibliothécaire à Sacré Cœur (ce qui n’a jamais été réalisé ! ).

Une remise officielle des collections est organisée à l’hôtel de ville de Dakar

Madame Wardini - neuvième adjointe chargée de la culture - organise une rencontre avec les responsables de la ville. C’est le premier adjoint qui nous reçoit en l’absence du maire. Il s’agit d’une rencontre de courtoisie où rien ne se décide et au cours de laquelle on nous annonce une remise officielle, devant la presse.

La cérémonie se déroule à l’hôtel de ville et est présidée par le maire de Dakar. Lorsque nous arrivons dans la grande salle de la mairie, il n’y a presque personne : les bibliothécaires et responsables des centres socioculturels servis, mais personne des centres que nous avons déjà équipés. Le maire arrive avec plus d’une heure de retard en jeans et chemise à fleurs. Madame Wardini, prononce un discours d’introduction et passe la parole à Éliane qui présente la dotation, puis c’est au tour de Marie Josèphe de présenter la dotation complémentaire, enfin le directeur de la DEC, dit un mot. Après quoi tout le monde s’en va, il n’y a même pas de verre de l’amitié. Les livres présentés sur la table sont issus de la dotation de Sacré Cœur, transportés par la voiture personnelle de madame Wardini.

Un maigre communiqué de presse est émis par la ville, il passera inaperçu. Nous comptions pourtant sur l’effet médiatique de cette remise officielle pour lancer une campagne en faveur de la lecture et engager lecteurs et lectrices à fréquenter les bibliothèques. Opération de communication manquée !

Lire en Afrique a accompli sa part dans le projet, le moment est venu de discuter de la convention de partenariat avec la ville de Dakar

Monsieur Lo nous informe avoir reçu d’autres demandes de bibliothèque pour Hann Belair, Camberène et Sicap Jet d’eau. Pour engager la suite du projet et doter trois nouvelles bibliothèques, nous demandons à rediscuter des termes du partenariat dans lequel nous sommes le seul acteur jusqu’à présent. Le directeur de la DEC n’est toujours pas disponible, nous poursuivrons avec monsieur Lo notamment sur les plans de relance des bibliothèques de Ouakam, Ngor, Yoff et Point E ; sur les engagements de la ville dans la création de nouvelles bibliothèques : remise à niveau des locaux avec peinture, rayonnages, affectation de personnel formé et rémunéré, encadrement des équipes, politique de lecture publique, etc.

La réunion pour discuter de la convention a lieu quelques jours après la livraison des collections à Joal. Les fonctionnaires de la mairie, au vu de nos réalisations imaginaient que Lire en Afrique était une ONG avec beaucoup de moyens et au moins 30 personnes. Ils ont pu constater dans quelles conditions nous travaillions : dans un local prêté par un collège, sans eau ni toilettes lorsque le collège est fermé, tout le travail fait par nous-mêmes, sans aide extérieure, ni personnel. Pour la suite, Lire en Afrique demande donc à bénéficier d’un local à Dakar où y stocker les cartons de livres en attente de distribution ainsi qu’un hébergement lors de ses séjours à Dakar, un véhicule de la mairie pour ses déplacements et le financement des transports internationaux des ouvrages.

  • Hébergement : La ville propose de nous héberger pour une semaine à la piscine olympique qui comporte une sorte d’auberge aux chambres exiguës conçues pour l’hébergement de sportifs où aucune table ne peut entrer, sans possibilité de restauration. Monsieur Lo nous y conduit, mais nous déclinons l’offre. Nous préférons l’hôtel le Calao à N’gor où nous sommes descendues. Pour un tarif identique, la chambre y est plus grande et permet d’y travaille. Madame Wardini se charge de réclamer les fonds à la ville et s’occupe de régler notre hôtel pour une semaine. Confrontée à d’énormes difficultés pour obtenir ces fonds de la mairie, elle propose de nous héberger chez elle à Karack et d’utiliser ses hébergements touristiques à Sali pour y organiser nos formations. Par la suite, les démarches étant si compliquées et consommatrices de temps, nous descendrons à l’hôtel comme par le passé, et réglerons notre facture d’hébergement sans rien réclamer.
  • Local de stockage : Nous faisons le tour des centres avec Monsieur Lo pour trouver un local de stockage adapté. C’est finalement à N’gor que la mairie de Dakar nous propose deux salles dans le centre socio-culturel. Ces salles nous conviennent. Mais elles étaient également convoitées par la gendarmerie et lors de notre séjour suivant, la gendarmerie occupait l’espace qui nous avait été attribué. Nous avions tout organisé pour l’arrivée du conteneur à N’gor et avons dû, au dernier moment, l’aiguiller vers Joal.
  • Transport : Nous demandons à bénéficier d’un véhicule pour transporter les livres achetés au salon du livre de Dakar. Monsieur Lo nous informe que les bons d’essence ne sont pas disponibles, ils ne sortent que le 10 du mois. Nous louons donc une camionnette, comme à l’accoutumé, et transportons nous-mêmes les livres à Joal en réglant nous-mêmes le transporteur.

A la fin de la mission, nous sommes dubitatives quant à la qualité des relations qu’il est possible d’établir avec la mairie et une grande suspicion se fait jour quant à leur capacité à effectuer du travail de qualité, ou même du travail tout court. Quant aux contreparties à la charge de la mairie (hébergement, transport, locaux de stockage) l’avenir nous montrera que rien ne sera jamais fourni par la ville.

EN 2010, LE PARTENARIAT SE POURSUIT AVEC LA REMISE DES COLLECTIONS A TROIS NOUVELLES BIBLIOTHÈQUES, DANS DES CONDITIONS TOUJOURS PLUS DIFFICILES. NON SEULEMENT LES SERVICES DE LA VILLE NE SONT PAS COOPÉRATIFS, MAIS ILS SONT UNE ENTRAVE A TOUTE INITIATIVE.

Préparation de la deuxième étape du projet Ville de Dakar

En prévision de la poursuite du projet, nous reprenons, en avril 2010, la recherche d’un local où stocker les livres destinés à Dakar. Nous avons en effet réalisé à quel point il était compliqué pour la ville de Dakar de venir récupérer les livres à Joal. Aussi disposer d’un local dans les centres socio-culturels de la ville de Dakar serait idéal afin d’y expédier le conteneur des livres et d’y effectuer la préparation et le traitement des collections.

Éliane accompagnée de Monsieur Lo organise la visite systématique de tous les centres culturels de la ville avec deux objectifs repérer un local convenable pour stocker les livres, et sélectionner les trois bibliothèques à doter, au titre de 2010, pour la deuxième étape du projet.

Monsieur Lo est notre seul interlocuteur, son directeur est invisible, il s’occupe de nombreux projets, ne délègue pas, ne travaille pas en équipe. Monsieur Lo a répercuté en interne notre demande de financement à hauteur de 30 % du budget pour le prochain séminaire annuel Lire en Afrique où sont invités tous les bibliothécaires de la ville de Dakar. Sa note, nous dit-il, s’est perdue dans les méandres de l’administration et il n’a pas reçu de réponse à ce jour.

Grand Yoff :bâtiment identique à celui de Yoff, situé sur une route non goudronnée. Il n’y a pas de rayonnages.

Liberté 6 : bâtiment identique à celui de Yoff situé à un carrefour. Il n’y a pas de rayonnages.

Grand Médine-Patte d’Oie : même centre que celui de Yoff, situé sur le parking du grand stade, juste sur la gare routière « Bamako » où stationnent les cars pour le Mali. Des commerçants ont accroché les bâches de leur boutique à la grille du centre et les déchets de toute sorte jonchent le sol de la cour, on y perçoit également des traces d’humidité et des odeurs caractéristiques, de toute évidence cet espace sert de toilettes publiques. Il n’y a absolument rien dans le centre qui n’a pas d’eau depuis 2003 (l’eau a été oubliée dans le plan de construction). Le centre n’est pas nettoyé depuis 7 ans, il est d’une saleté repoussante, ni lavé, ni balayé.

Camberène : Ce centre de construction plus ancienne est plus vaste que les autres et dispose de nombreuses salles. Une salle au rez-de-chaussée pourrait convenir au stockage des livres mais l’évacuation des eaux usées fuit et arrive par le plafond et où une odeur d’égout très prégnante envahit la salle. De plus, il y a des infiltrations dans la dalle, les poteaux de structure sont effrités et laissent apparaître les fers rouillés : le centre est situé à deux pas de l’océan. Des travaux de réfection pour 70 millions de FCFA sont votés au budget 2010. Eliane refuse cette salle. Elle rencontre le maire de Camberène, candidat pour une bibliothèque. Le maire de Dakar a demandé d’impliquer les mairies d’arrondissement dans les projets, les communes d’arrondissement devront financer elles-mêmes les étagères dans la mesure où le maire de Dakar a promis 1 milliard FCFA à chaque commune d’arrondissement (d’après Lo, s’ils reçoivent 200 millions, ce sera tout).

La première journée de visite c’est Elaine qui a payé les taxis, la ville ne pouvant pas fournir de véhicule. Le lendemain, les visites se poursuivent avec la voiture et le chauffeur personnels de madame Wardini.

Hann Belair : Il s’agit d’une zone industrielle située dans le prolongement du port avec les stocks de carburants dans les entrepôts des principaux pétroliers. Le centre est construit sur le même plan que celui de Yoff mais avec une prolongation en structure métallique qui forme salle des fêtes et une grande entrée. A l’étage dans la même salle que celle de Ouakam, il y a une bibliothèque avec du mobilier et environ un millier de vieux manuels. Une dame s’en occupe, salariée de la mairie, elle doit partir prochainement à la retraite. Nous sommes accompagnés par le chef de cabinet du maire qui n’est autre que la personne avec laquelle nous avons déjeuné chez madame Wardini. Une réunion improvisée a lieu dans la bibliothèque.

Sicap jet d’eau  : Nous connaissons déjà cette bibliothèque, située en face de la direction de la SICAP. Nous lui avons déjà offerts des livres, en 2001, suite à une visite impromptue, en constatant qu’ils n’avaient que des ouvrages hors d’âge et en très mauvais état mais cependant des lecteurs. Nous avions voulu les aider à continuer leur mission en leur attribuant plusieurs cartons de littérature française.
Ouakam : tout semblait convenir pour y stocker les livres, sauf quand les gardiens ont parlé de l’eau en saison des pluies qui entre par toutes les fenêtres. Elle arrive de la colline des Mamelles, traverse le centre, s’infiltre dans toutes les pièces. Monsieur Lo renonce donc à Ouakam pour des raisons de salubrité, en saison des pluies.
Au terme de cette tournée des centres socio-culturels, nous n’avons pas trouvé de local qui correspondent aux critères de sécurité pour le stockage des livres. Pour nous la situation est claire, il n’y aura pas de local à Dakar. Pour les projets ville de Dakar comme pour les autres, ce sera à Joal et la gestion sera réalisée à 100 % par nous-mêmes.

Les trois centres pré-sélectionnés pour être équipés au titre de 2010 sont ceux de Cambérène, Liberté 6 et Hann Belair".

Lire en Afrique réalise la deuxième étape du projet ville de Dakar, en direct avec les destinataires

Lors de notre séjour début 2011 nous apprenons que notre seul interlocuteur, Monsieur Lo, est remplacé par un de ses collaborateurs, que nous rencontrons. Mr. Lo nous dira avoir appris son limogeage en rentrant d’une mission à Marseille.
Nouvelle orientation de la ville : le directeur de la culture veut liquider les centres culturels de la ville de Dakar existants (13 d’entre eux livrés neufs en 2003 n’ont jamais réellement fonctionné). Il veut créer des pôles artistiques, des nouveaux bâtiments R+4 à construire et supprimer 9 centres culturels qu’il est en train de distribuer :
• Liberté 6 est donné au privé : un centre de dialyse, en cours de réalisation
• Biscuiterie et Grand Dakar seront transférés à la DAS (Direction des Affaires Sociales)
• Point E promis à un centre de design (projet italien, finalement abandonné).

Les livres sont arrivés par le conteneur de fin 2010. Nous les avons traités à Joal et préparé les 3 dotations destinées au projet de la ville (9 000 livres). Faute d’implication de la ville de Dakar, nous procédons à l’installation des trois nouvelles bibliothèques en direct, soit avec les centres socio-culturels, soit avec les maires des communes d’arrondissement.

Ouakam. Hann Bel Air, choisi à l’origine, ne présente pas les conditions requises pour accueillir les collections : pas de bibliothécaire, étagères en nombre très insuffisant. Nous décidons de lui substituer Ouakam. La bibliothèque, créée initialement en 1997 par Lire en Afrique avec le foyer des jeunes a totalement périclité depuis qu’elle est passée sous la responsabilité de la ville de Dakar en 2004, elle a perdu 3000 livres. Pour la relancer, Lire en Afrique s’est occupée de rechercher un nouveau bibliothécaire bénévole motivé et de l’accompagner dans les tâches de remise en fonctionnement.

Fass : Le choix initial de Liberté 6 doit être abandonné puisque le centre vient d’être donné à une entreprise privée. Nous cherchons un autre centre en capacité d’accueillir les dotations. Ce sera Fass qui dispose du mobilier d’origine, c’est à dire les étagères avec les écartements trop faibles pour accueillir un livre debout. Les 3000 livres achetés en de multiples exemplaires chez NEAS sont toujours là, remisés dans les placards. Nous participons à la mise en place avec le bibliothécaire, fonctionnaire de la ville de Dakar. En discutant avec lui nous apprenons qu’il est gardien dans ce centre mais qu’il s’est investi spontanément dans la bibliothèque avec l’accord de son directeur. Nous le sentons très intéressé par les livres et la lecture et nous lui proposons une place dans le stage que nous organisons prochainement à Ziguinchor (Casamance). Il est natif de Affiniam, il ne craindra pas de venir en Casamance contrairement aux dakarois. Le directeur du centre donne son accord, nous lui remettons une convocation pour qu’il puisse justifier de son absence auprès de son administration. Cette dernière n’hésitera pas à user de son pouvoir pour empêcher que les choses se fassent : le bibliothécaire aura toutes les difficultés du monde pour pouvoir participer à ce stage. Par la suite, lorsque nous passerons dans sa bibliothèque nous pourrons constater qu’elle est bien tenue, les livres sont parfaitement classés, il a réussi à attirer un lectorat respectable, entretient de bonnes relations avec ses lecteurs qu’il réussit à fidéliser. Peu de temps après, nous apprenons que l’administration municipale l’a affecté au cimetière catholique de Dakar. Depuis la bibliothèque est stérilisée, il ne s’y passe plus rien, plus de lecteur, rien. Nous constatons lors de nos visites qu’aucun livre n’est déplacé depuis le classement réalisé par Habib et il n’y a aucun registre qui permettrait de noter une quelconque activité.

Camberène : Le centre est en travaux. Nous menons toute l’opération, en direct avec le maire. Nous remettons les livres à la mairie de Camberène, mais nous demandons une réception officielle, en présence de tous les représentants de la vie locale. Ce que le maire organise, Éliane participe à la cérémonie à la mairie.
Lors de notre séjour suivant, le centre rénové à neuf, fonctionne. La bibliothèque n’est toujours pas installée, la bibliothécaire, habitante de Camberène, détentrice d’un diplôme de bibliothécaire délivré par l’EBAD, a été réaffectée dans un autre service de la mairie de Dakar. Quelques jours après, alors que nous étions en visite à la bibliothèque de Sacré Cœur, un agent de la mairie se plaint de devoir venir de Camberène chaque jour et de rester là sans affectation précise. Nous lui proposons de se rapprocher du maire de la commune et de se faire muter au centre culturel de Camberène où il n’y a plus personne pour prendre en charge la bibliothèque. Ce qui fut fait. Une association d’historiens qui travaille sur l’esclavage a établi un centre de documentation au Centre socio-culturel de Camberène et dispose d’un mobilier très important : rayonnages, tables et chaises. Finalement ce centre de documentation et la bibliothèque fusionnent et la bibliothèque récupère le centre de documentation et son mobilier.

En complément des dotations, Lire en Afrique organise un séminaire de formation pour les bibliothécaires de la ville de Dakar sur les outils de gestion

Lire en Afrique ne s’est jamais autorisée à proposer une formation aux bibliothécaires de la ville (sauf celui de Fass qui est ainsi passé de gardien à bibliothécaire, puis à gestionnaire de cimetière) cette mission revenant à l’administration municipale qui dispose d’un centre de formation, financé par la coopération décentralisée.
Le niveau de connaissances des agents de la ville, affectés comme bibliothécaires, est très disparate. Certains en poste depuis le début ont bénéficié d’une formation organisée à l’origine des projets des années 90, les autres, agents municipaux, n’ont reçu aucune formation.

Constatant que chaque bibliothécaire reste isolé dans sa bibliothèque, ne connaît pas les autres, qu’aucune réunion d’aucune sorte n’est organisée pour les regrouper et échanger, nous décidons d’inclure ces bibliothèques dans notre suivi annuel et de les inviter aux séminaires annuels que nous organisons à Dakar pour notre propre réseau de bibliothèques.

Nous souhaitons que, comme les autres bibliothèques du réseau Lire en Afrique, elles puissent présenter un bilan annuel d’activités. Nous proposons une journée de formation où sera abordée la méthodologie d’élaboration de ce bilan annuel qualitatif et quantitatif et la manière d’obtenir et d’organiser l’information pour y parvenir.
Madame Wardini approuve l’initiative et s’occupe même, sur ses propres deniers, de fournir le repas de midi à tous les stagiaires. Tous les centres sont représentés, y compris ceux qui n’ont pas encore de bibliothèques.

Antoinette Correa (ancienne de l’EBAD et directrice de la maison d’édition BLD) s’est invitée au stage. Elle est entrée dans la salle en cours de journée, n’a rien dit, a écouté quelques minutes puis est repartie. Huit ans après, au cours d’une réunion, fin 2018, le directeur des bibliothèques viendra nous reprocher cette formation et de n’avoir pas obtenu l’accord préalable d’Antoinette Correa. C’est donc lui, toujours prêt à nuire par tous les moyens, qui lui a demandé de venir à ce stage qui, comme le reste, est une initiative Lire en Afrique réalisée bénévolement à 100 %.

Une tentative de coordination des bibliothèques par la ville de Dakar échoue

En décembre 2012, la mairie de Dakar nous désigne une nouvelle interlocutrice, Codou Diop, fraîchement diplômée de l’EBAD et recrutée par la mairie de Dakar. Elle est chargée de la coordination des bibliothèques. Son idée est de créer un réseau entre bibliothèque pour échanger des livres ! Jeune et décidée, elle dispose de dossiers et dans l’un d’entre eux, les bilans des bibliothèques. Elle ne connaît pas l’histoire du partenariat avec Lire en Afrique ni sa participation aux bibliothèques de la ville, que, d’ailleurs, elle ne connaît pas. Nous pensons qu’avec ce recrutement, la question des bibliothèques est enfin prise en compte par la ville de Dakar, que les personnels impliqués dans les bibliothèques seront encadrés, formés et suivis.

A l’usage, ce poste s’avérera malheureusement tout à fait dénué de contenu. Elle n’ira visiter aucune bibliothèque à part celle du centre socio-culturel de Fass parce qu’elle réside à proximité. Elle dit passer beaucoup de temps à écrire les courriers pour les autres services. Nous lui proposons d’organiser conjointement le séminaire annuel des bibliothécaires de la ville de Dakar, mais elle nous fait savoir qu’elle est prise par d’autres tâches et nous laisse nous en occuper seules. Puis nous n’entendrons plus jamais parler d’elle, la coordination est restée une idée sur le papier sans réalité, ce que les bibliothécaires nous confirmeront, ils ne l’ont jamais vue.

LIRE EN AFRIQUE CESSE TOUTE RELATION AVEC L’ADMINISTRATION DE LA VILLE DE DAKAR, MAIS CONTINUE A SUIVRE SES BIBLIOTHEQUES, PLUS QUE JAMAIS ABANDONNÉES A ELLES-MÊMES, ET RENCONTRE REGULIÈREMENT L’ÉLUE DE LA VILLE CHARGÉE DE LA CULTURE.

Dans les années qui suivent, de 2012 à aujourd’hui, nous n’aurons plus de contact avec l’administration de la ville. Non seulement l’administration se désintéresse au plus haut point des bibliothèques, mais elle continue à entraver toute initiative.

Après le limogeage de monsieur Lo, son remplaçant nous est ouvertement hostile, nous n’avons plus d’interlocuteur et aucun administratif ne nous contactera plus au titre du partenariat. De plus la stratégie du Directeur de la DEC qui consiste à liquider les centres socio-culturels enterre de facto la question des bibliothèques à la ville de Dakar.

Signe de cette évolution politique, Louise Faye, au prétexte de l’ouverture d’un restaurant dans l’enceinte du centre socioculturel de Point E, est relevée de ses fonctions et mutée à la direction, sans affectation. Pour nous, cette décision est incompréhensible, Louise Faye est, de loin, la meilleure gestionnaire des centres socio-culturels, clairvoyante en matière de politique culturelle et de lecture publique, sachant s’entourer de personnel efficace et de partenaires extérieurs.

Cependant Lire en Afrique poursuit ses bonnes relations avec l’élue responsable de la culture à la ville, madame Wardini, tout d’abord 9ème adjointe puis 1ère adjointe lors de la seconde mandature, puis maire. Ancienne professeur d’anglais, elle défend les bibliothèques et les centres culturels. Nous la rencontrons lors de chacune de nos missions.

En dépit de la défection de l’administration, nous continuons à inclure les bibliothèques de la ville de Dakar dans nos visites. Nous entretenons de bonnes relations avec les bibliothécaires et les invitons aux séminaires annuels Lire en Afrique, qui est en fait le seul espace de coordination et de partage d’expérience dont ils disposent. Ces bibliothèques sont systématiquement incluses dans les dotations thématiques réalisées par Lire en Afrique.

Ce fut notamment le cas, par exemple, en 2014, lors du projet « allez les filles », organisé dans le cadre du sommet de la francophonie à Dakar, en relation avec la DLL (direction du livre et de la lecture du ministère de la culture sénégalaise). Les bibliothèques de la ville de Dakar figuraient en bonne place parmi les 80 bibliothèques ciblées, destinataires de la dotation de 200 ouvrages, labellisée « allez les filles ». Pour en présenter les objectifs et le contenu, nous proposons d’organiser une cérémonie de remise de ces livres, spécifiquement destinés aux dix bibliothèques de la ville de Dakar que nous avons équipées. Louise Faye, entre temps réaffectée à la direction du centre socio-culturel de Sacré Cœur, est d’accord pour l’organiser dans ses locaux, bien situés et disposant de suffisamment d’espace. Nous faisons livrer à Sacré Cœur tous les cartons de livres à distribuer et invitons les bibliothécaires de toutes les bibliothèques de la ville à cette cérémonie. Au dernier moment la direction de la DEC, que Louise a tenue informée, s’y oppose et veut rapatrier tous les cartons dans son service. Informées, nous annulons la cérémonie et demandons à chaque bibliothèque d’aller, sans tarder, récupérer sa dotation à Sacré Cœur, avant leur enlèvement par la direction.
En parallèle, à partir de 2010, l’association Lire en Afrique est investie dans le projet de la Région de Dakar de création de bibliothèques au niveau de la région. Désormais, c’est avec le nouveau projet régional que l’ambition de voir un jour chaque commune d’arrondissement de la ville de Dakar et, plus loin, de la région de Dakar pourrait un jour être satisfaite.

Le chapitre concernant le projet régional (voir http://www.lireenafrique.org/spip.php?page=album&id_article=161 ) montrera l’échec des tentatives renouvelées de Lire en Afrique pour que la question des bibliothèques soit enfin reprise par l’institution dans la région la plus peuplée du Sénégal où résident tant de jeunes en formation.

LA RELATION A LA VILLE DE DAKAR SE POURSUIT NEANMOINS AVEC UNE ELUE, MADAME WARDINI, QUE NOUS RENCONTRONS CHAQUE ANNÉE.

Nous entretenons des relations assez proches avec madame Wardini, qui s’est beaucoup impliquée dans la relance de la bibliothèque de son quartier, Sacré Cœur, c’est dorénavant avec elle, adjointe au maire de Dakar, chargée de la culture, que nous discutons des projets en cours.

Lors d’un entretien, elle nous confirme ce que nous avions subodoré. Il existe bien une sorte de trafic dans les centres socio-culturels qui sont exploités au bénéfice de certains personnels, en connivence avec l’état-major (usages privatisés des locaux, locations non déclarées, etc..). Les élus sont au courant et sont conscients de l’inefficacité du personnel administratif, d’où la volonté de certains directeurs de vouloir tout liquider faute d’être en capacité de réformer, ni même de gérer.

Le maire doit définir une nouvelle politique concernant ces centres socio-culturels qui, dans l’acte 3 de la décentralisation, restent sous la responsabilité de la ville de Dakar. Les centres n’ont pas été transférés aux communes d’arrondissement où ils sont situés. Le maire maintient en partie la ligne de requalifier certains centres socio-culturels avec l’attribution de celui de Ouakam en pôle de cultures urbaines.

En janvier 2016, nous rencontrons à nouveau madame Wardini qui nous invite à déjeuner. Elle nous dit avoir fait de la relance des centres socio-culturels une affaire personnelle contre l’avis du maire qui veut les laisser tomber. Elle vient d’organiser une tournée de visites de tous les centres. Malheureusement ces visites sont organisées par le directeur de la DEC, et elle a conscience qu’il fait traîner les choses avec des prétextes pour décaler les rendez-vous, le Gamou, le Magal, les fêtes en tout genre, l’absence de tel ou tel, etc. Mais la tournée est presque terminée, il ne lui en reste plus qu’un à voir et elle prendra ensuite sa décision. Trois directeurs ont déjà été relevés (Grand Yoff, Hann Belair et HLM). Elle est au courant des trafics en tout genre qui s’y déroulent et sait que la direction est impliquée dans toutes ces manigances.

Nous évoquons le séminaire annuel Lire en Afrique. Elle souhaite que nous l’organisions en tant que Lire en Afrique et elle y participera. La date en est fixée, il reste à trouver la salle. Pour la salle, si nous l’organisons à Sacré Cœur, elle nous recommande de faire attention au directeur de la DEC qui risque de s’en prendre à sa directrice Louise Faye dans sa haine de Lire en Afrique. Nous trouverons un autre lieu.

Malheureusement le plan de relance des centres socio-culturels annoncé par madame Wardini ne verra jamais le jour, sans doute victime des conflits politiques entre le président de la république et le maire de Dakar, ou d’autres raisons qui nous échappent.

EN 2016, LIRE EN AFRIQUE MET EN PLACE UNE NOUVELLE BIBLIOTHEQUE DANS LE CENTRE CULTUREL GRAND MEDINE PATTE D’OIE EN REPONSE A LA DEMANDE DE MADAME WARDINI.

Madame Wardini nous informe que le centre de Grand Médine-Patte D’oie vient d’être relancé avec à sa tête un nouveau directeur qui vient du secteur privé commercial. Elle nous demande d’aller le voir car il souhaite disposer d’une bibliothèque.

Lire en Afrique prend en charge la mise en place de cette bibliothèque, en direct avec le Chef de centre. Lire en Afrique fournit la dotation et les étagères, c’est le chauffeur personnel de Madame Wardini qui vient en prendre livraison à Joal.

Lire en Afrique assiste les personnels du centre pour l’installation des rayonnages (mobilier professionnel qu’il faut savoir monter) participe à la mise en place du fonds documentaires et au classement des livres sur les rayonnages, forme le personnel à la gestion de cette bibliothèque.

Madame Wardini honorera de sa présence l’inauguration de cette bibliothèque à laquelle nous convierons la presse, assistées dans cette tâche par un professionnel de la culture qui connaît tout ce monde et la façon de procéder.
Cette cérémonie sera précédée du séminaire annuel auquel participeront tous les bibliothécaires de la ville.

EN 2018, COUP DE THEATRE, LE NOUVEAU DIRECTEUR DE LA DEC, VEUT RELANCER LES BIBLIOTHEQUES DES CENTRES SOCIO-CULTURELS DE LA VILLE DE DAKAR AVEC LIRE EN AFRIQUE QUI NE DONNE PAS SUITE

En février 2018, Joachim Badiane, fonctionnaire à la DEC nous appelle. Il est chargé de l’animation culturelle et des centres socioculturels. Il veut prendre l’initiative de proposer à son nouveau directeur, de reprendre la collaboration avec Lire en Afrique. Il nous propose une réunion pour élaborer un plan d’actions. Nous nous rendons au building communal qui a pris un coup de neuf : carrelage refait, ascenseurs qui fonctionnent, peinture, électricité, tout semble rénové.

Marie Josèphe a réalisé un état des lieux des bibliothèques des centres culturels de la ville de Dakar, actualisé à 2018, qui reprend, centre par centre, les dates de mise en place des bibliothèques, l’apport en livres, la situation relative aux équipements et au personnel (Voir http://www.lireenafrique.org/spip.php?article86 ). Le document est remis à Joachin Badiane qui nous dit qu’il fera des propositions au directeur avec, en priorité, l’affectation d’agents de la ville formés, dans les bibliothèques qui n’en ont pas, en priorité Yoff, Point E et N’gor.

Lors de notre séjour de décembre 2018, la situation a peu évolué. Il y a eu quelques mutations de personnel, Joachim Badiane est passé dans toutes les bibliothèques et a enquêté sur les besoins en livres et matériels. Il a également réclamé des livres aux bibliothèques pourvues afin de créer les collections de Grand Yoff et Grand Dakar à partir du démantèlement des collections des autres centres : drôle de façon de procéder.

Louise Faye nous informe que leur nouveau directeur souhaite nous voir. Elle déplore le manque de budget. Dans le confit avec le maire de Dakar, l’Etat a bloqué les finances de la ville et n’accorde que la masse salariale mais aucun autre budget de fonctionnement ou d’investissement.

Lors de la réunion avec le nouveau directeur de la DEC ont été conviés le responsable de l’administration et logistique, le collaborateur chargé de la relance des bibliothèques et le chef de division. Joachim Badiane est absent, parti en stage pour 6 mois en Chine.
Beaucoup de paroles creuses, de remerciements à Lire en Afrique tempérés par l’aveu sans vergogne qu’ils n’ont pas assuré leur part dans le partenariat noué en 2008/2009.

Malgré tout, Ils veulent relancer ce partenariat avec Lire en Afrique et nous demandent de doter les bibliothèques des centres de Grand Yoff, Grand Dakar, Biscuiterie. Dans la liste des centres qui restent à équiper, ils ont oublié Hann Belair et HLM que nous leur rappelons. Ils ont été invités à nous contacter à la demande de Mme Wardini, devenue maire de Dakar. Ils promettent qu’ils vont revoir leur politique, affecter du personnel et les former. Deux personnes sont désignées pour suivre cette relance. Les propos qu’ils nous tiennent sont aberrants, complètement absurdes, hors de toute réalité :
« Nous ne sommes pas satisfaits du partenariat avec Lire en Afrique tel qu’il s’est déroulé. La ville a été défaillante dans le partenariat, elle devait s’occuper des équipements des bibliothèques, de la peinture, de la coordination et de l’animation des bibliothèques, mais elle ne l’a pas fait. Dans la réforme administrative, la ville a perdu la responsabilité de l’élémentaire, mais gagné les collèges, il faut aussi mette en place des bibliothèques dans les collèges. On n’a pas retrouvé l’ancien protocole, mais on va en signer un autre. La ville ne pourra pas s’occuper de l’hébergement de Lire en Afrique mais de son essence quand elle s’occupe des bibliothèques de la ville. »

Le coordinateur à l’origine de tous les blocages ne peut s’empêcher d’envoyer quelques flèches : «  il faut manifester la reconnaissance de la ville à ces braves dames que la ville connaît bien. Dans la gestion des centres, la ville de Dakar ne peut pas confier une bibliothèque à quelqu’un qui n’est pas un agent de la ville, mais on peut coopter des étudiants pour l’animation jeunesse. Il y a des malentendus, à Yoff et Ouakam, il y a des jeunes très engagés qui s’occupent de la bibliothèque mais ce ne sont pas des agents de la ville. Lire en Afrique a organisé une formation, sans l’aval de Antoinette Corréa -directrice de l’EBAD. Nous avons un manque de personnel qualifié, il faut des sessions d’initiation pour renforcer les capacités. Thomas doit voir avec Lire en Afrique pour 2 à 3 sessions par an. Il faut que les gens puissent trouver un plateau avec des animations, notre problème c’est avoir des animations  » … Et la phrase de conclusion : « nous sommes ensemble ! »

Ils nous font miroiter une ultime récompense : ils vont nous organiser une rencontre avec madame le maire - madame Wardini, !!! En effet, madame Wardini est devenue maire en remplacement de Khalifa Sall poursuivi par la présidence de la république.

Marie Josèphe explique qu’il n’y a plus aucun bailleur qui acceptera de financer des achats de livres et que les occasions données à la ville et à la Région de Dakar, à maintes reprises, ont été perdues, faute de mobilisation des institutions sénégalaises. La conjoncture internationale aujourd’hui est défavorable aux livres, il n’y en aura plus d’autres. Mais il n’y a pas d’écoute, ils pensent avoir face à eux des prestataires gratuites qui vont, de toute façon se charger, de leur travail.

En fin de réunion, le chef logistique conclut par son souhait que Lire en Afrique mette à jour la convention de 2008 qu’ils n’ont pas retrouvée. Nous les laissons dire. En sortant, nous suivons Thomas dans son bureau : il y a là 4 bureaux sans rien dessus : c’est leur bureau. Mais quelle activité peuvent-ils y mener sans ordinateur, sans téléphone, ni dossiers ni crayon ou papier, sans RIEN. Thomas déroule une grande feuille sur laquelle ils ont dressé un tableau avec le nom des bibliothèques et l’existence ou non de personnel affecté, le nombre de livres…. C’est le tableau que leur avait confié Marie Josèphe en moins bien, il n’est même pas mis au propre. De plus, il comporte des erreurs évidentes qui montrent qu’ils n’ont pas fait une étude de terrain dans les bibliothèques pour comprendre ce qui s’y passe. Par exemple, ils ont noté qu’à Ngor et Ouakam un agent s’occupait de la bibliothèque, alors que si c’est vrai sur le papier c’est inexact dans la réalité.

On explique à nouveau à Thomas que le partenariat de 2010/2012 bénéficiait d’un contexte qui n’existe plus, nous sommes dans un autre temps, les facilités d’hier ne sont plus là (cessation d’activité de notre partenaire ADIFLOR etc.). Thomas s’exclame : « mais c’est la mort des bibliothèques ! »

Conclusion

« Mais c’est la mort des bibliothèques !  » C’est sur cette conclusion clairvoyante que s’achève, pour Lire en Afrique, cette longue relation avec la ville de Dakar.
Nous en avons appris beaucoup sur les arcanes de l’administration au Sénégal, sur les méandres de la politique municipale, le (dis)fonctionnement des centres culturels et les (in)compétences des agents de la ville.

Malgré l’inertie, et dans certains cas, l’hostilité de l’administration de la ville, le bilan des réalisations Lire en Afrique est éloquent : 11 des 19 centres socio-culturels de la ville de Dakar ont vu leur bibliothèque équipée par Lire en Afrique, avec une collection initiale de 3000 ouvrages, complétée périodiquement de dotations thématiques et dans plusieurs cas de collection de relance. Nous pouvons estimer à 50 000 le nombre de livres mis à disposition des lecteurs de la ville. Nous avons également offert des formations et parfois du mobilier comme à Ouakam et Grand Médine-Patte d’oie et un suivi régulier de ces bibliothèques toujours invitées à nos séminaires et aux diverses initiatives que nous avons prises en faveur de la lecture, le tout, nous le répétons sans la moindre contribution de la ville.


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