Missions de Lire en Afrique en mars avril 2003

lundi 6 mars 2023
par  LEA

Objectifs de la mission
-  Diffuser le stage « animation livres jeunesse », animé par Marie Girod.
-  Organiser le séminaire annuel des bibliothèques du réseau Lire en Afrique.
-  Conduire l’enquête de l’analyse de l’existant en matière de bibliothèques de lecture publique dans la région de Dakar.
-  Faire le bilan de la mission d’Alioune Gueye.
-  Préparer la suite pour le suivi du réseau, l’organisation de séances d’animation, la poursuite de l’enquête.

Compte Rendu de mission au Sénégal
du samedi 29 mars au mardi 8 avril 2003
Marie Josèphe et Eliane

FORMATION DES BIBLIOTHÉCAIRES

Diffusion du stage animation Jeunesse

Ce stage s’est déroulé à la grande satisfaction des stagiaires et de l’animatrice Marie Girod. Le bilan écrit du stage sera rédigé par Alioune Gueye, Mamadou N’doye et Adama Dione.
Il s’est tenu toute la semaine du lundi matin au vendredi soir dans les locaux du foyer des jeunes de Ouakam. Nous avons appris en arrivant que finalement les vacances scolaires ne commenceraient que le mercredi soir, ce qui a perturbé la participation de certains stagiaires. Alioune et Adama, enseignants, se sont arrangés avec des collègues pour suivre le stage dans son intégralité.
Finalement y ont participé :

  • 5 stagiaires de Yoff : Alioune Gueye, Adama Dione, Mamadou Samba, Khady et Mariama
  • 2 de Bargny dont 1 nous a quitté le soir du second jour, il avait trouvé du travail à la SOCOCIM et commençait dès le lendemain : Mamadou Sembene
  • 4 de Ouakam : les 3 bibliothécaires prévus auquel s’est ajouté Pape Alioune Wade qui, nous aidant à installer, s’est jeté sur les livres petite enfance disant qu’il se servirait de ces livres dans l’école maternelle qu’il dirige. Nous l’avons donc invité et il a été très assidu. Daouda Gueye, Assane Moulay, Kene Boughoul et Pape Alioune Wade
  • Marie Girod nous a dit que Pape était le meilleur de tous en animation :
  • 1 de Matam Fodé Seiny
  • 1 de Thiaroye arrivé le mercredi matin : Mamadou Corréa.

Nous nous sommes chargées de l’organisation de l’intendance. Nous devions assurer les repas du déjeuner et nous avons fait les courses pour 20 personnes et pour 5 jours au marché Tilène et chez les grossistes de Ouakam, les frères Ba. Surprise le prix des denrées alimentaires est sensiblement le même qu’en France. Les repas du midi étaient préparés chez Seynabou par une de ses parentes engagée pour l’occasion.
Nous avons loué une voiture pour la semaine et fait appel à un chauffeur, Cheikh N’diaye, qui conduisait Marie Girod de son hôtel à N’gor au stage à Ouakam et portait les plats jusqu’au lieu de stage.

Pour l’hébergement, Marie Girod nous ayant fait savoir qu’elle ne souhaitait pas être logée à Dakar car elle gardait de mauvais souvenir de ses précédents séjours où elle intervenait pour la Direction du Livre et de la lecture, nous lui avons proposer le Calao à N’gor des cases rondes à toiture de chaume dans un grand jardin au bord de l’Océan. L’endroit lui a beaucoup plu.

Nous avons logé Mamadou Corréa, Fodé Seiny et Mamadou Sembene à l’auberge Via Via à Yoff. Ils étaient enchantés. Cette organisation en semi résidentiel a contribué à cette bonne ambiance qu’ils ont tous signalé dans leur bilan de fin de stage.
Alioune s’est chargé d’organiser les transports et de rembourser les frais. Il s’est très bien acquitté de sa tâche, il a même pris l’initiative d’organiser un café brioche à la pose de chaque matinée.

Comme convenu nous sommes allées chercher Marie Girod à l’aéroport et l’avons conduit à son hôtel, le Calao de N’gor. Elle nous a dit n’avoir jamais été hébergée dans un si bel hôtel, si bien situé. Nous avons dîné ensemble à N’gor, comme nous le ferons tous les autres soirs. Ces soirées nous ont permis de discuter et de comparer nos pratiques associatives. Marie ne cessait de dire que nous étions semblables : agacées par la futilité et les soi-disant honneurs du pouvoir, cherchant l’efficacité, exerçant nous-mêmes toutes les tâches, travaillant sans subvention et sauvegardant notre indépendance. Elle était enchantée de notre collaboration.
Son mari est arrivé le mercredi midi et le soir il proposait une conférence d’une demie heure sur la création du monde qui a passionné l’auditoire des stagiaires.

Marie a évoqué la perspective d’organiser des stages scientifiques avec son association « A fond la science », qu’elle animerait.

Report du séminaire annuel Lire en Afrique

Pour la première fois, la DLL acceptait de nous procurer une salle. La salle de Douta Seck avait été retenue par Marietou Diongue Diop, il restait à confirmer auprès de la directrice de la maison de la culture et à organiser la restauration. Au cours de la semaine, l’unanimité s’est faite sur le report du séminaire, la plupart des participants à ce séminaire ayant passé une semaine ensemble, au stage, ne souhaitaient pas prolonger par un samedi de séminaire. Nous avons donc annulé auprès de Douta Seck. Le responsable de la bibliothèque de Douta Seck nous a reconnues et nous a confirmé qu’il souhaitait une bibliothèque chez lui en Casamance.

Alioune propose d’organiser le séminaire en Juin.

BILAN DE 2 MOIS DE SUIVI DES BIBLIOTHÈQUES ASSURE PAR ALIOUNE GUEYE

Pour préparer le stage diffusé par Marie Girod sur l’animation jeunesse, nous avions demandé à Alioune Gueye, en le rémunérant, de suivre pendant deux mois l’activité des bibliothèques en fonctionnement dans la région de Dakar : Sébikotane, Bargny, Ouakam, BOSY.

Ouakam : çà se passe bien, ensemble, ils ont reclassé le rayon jeunesse, il reste à reclasser les autres livres. Ils forment des lecteurs à la tenue des registres, ils élargissent leur nombre d’adhérents.

Bargny  : l’arrestation et l’emprisonnement d’une douzaine de jeunes de Bargny a perturbé le fonctionnement de la bibliothèque. Peu de choses ont encore bougé, les nouveaux livres ne sont pas en rayon, le prêt n’est toujours pas sur registre. Presque tout reste à faire.

Les causes de la révolte de la jeunesse de Bargny nous ont été expliquées. L’état a vendu des terrains à la SOCOCIM (cimenterie). Les jeunes de Bargny ont considéré que ces terres appartenaient à leur communauté léboue. Ils ont dressé des barrages et bloqué la circulation. La police est intervenue, il y a eu affrontement. La police a raflé une douzaine de jeunes qui se trouvaient à la Maison de la femme (où est située la bibliothèque) et les a mis en prison. Les vieux de Bargny sont allés demander leur libération, mais le chef de l’état a pris position pour la punition et a refusé de les libérer. Heureusement aucun bibliothécaire n’a été arrêté. Seny Seck recherché par la police se cachait depuis, il est rentré le week-end dernier à Bargny.

Lorsque Mar Diouf, - président du Conseil Régional de Dakar et maire de Bargny, est allé à la bibliothèque, il leur a annoncé qu’il avait lancé des appels d’offres pour la construction d’une bibliothèque. Nous avons appelé Khalifa Cissé, médecin de Bargny, membre du conseil municipal, il nous a dit ne pas être au courant, il n’y a pas eu de débat au conseil municipal, il se renseigne et nous tient au courant.

ENQUÊTE POUR L’ANALYSE DE L’EXISTANT EN MATIÈRE DE BIBLIOTHEQUES DE LECTURE PUBLIQUE DANS LA RÉGION DE DAKAR.

Un rapport nous a été demandé par Brigitte Field, chargée de la coopération décentralisée du Conseil Régional de Paris Ile de France avec Dakar. Saisie par ses partenaires, les élus du conseil régional de Dakar, d’une demande de médiathèque régionale à financer ne parvient pas à disposer d’un état des lieux ni à évaluer le besoin. Connaissant notre antériorité dans les actions en faveur de la lecture publique dans la région depuis 12 ans maintenant, elle nous a sollicité pour une étude de l’existant.

Nous avons préparé notre enquête de terrain grâce à deux enquêtes menées précédemment sur le territoire national : celles de Malang Diemé, chargé de mission à la DLL et celle de l’ASBAD (association des bibliothécaires) dont les données ont disparu mais pour lesquelles il reste la liste et les coordonnées des bibliothèques. En fusionnant les deux listes nous trouvons 17 implantations communes aux deux listes sur un total de soixantaine bibliothèques.

Nous avons loué une voiture c’est Cheikh N’diaye, qui nous conduit depuis 2000, qui nous a organisé les visites. Au cours de la semaine nous avons pu visiter une vingtaine de bibliothèques appartenant à diverses typologies (CEDEPS, mairie de Dakar, confessionnelles, associatives, scolaires).
La suite de l’enquête sera réalisée par Alioune, Adama et Mamadou sous la responsabilité de Mamadou.

SUIVI DES BIBLIOTHEQUES

Matam

Marietou Diongue Diop , directrice de la DLL nous apprend que la région Nord/Pas de Calais met en place une bibliothèque à Matam, et que Matam étant devenu région, elle aussi s’apprête à y implanter une bibliothèque régionale qui sera sous sa responsabilité. Le responsable culturel y est déjà arrivé. Elle se déplace à Matam le 20 Avril prochain.
Elle précise que Matam étant une grande ville il y a la place pour 3 bibliothèques.
Nous lui expliquons qu’à Matam il y a 20 000 habitants et que les jeunes ne restent pas. Matam est un bassin d’émigration vers Dakar et vers l’étranger, notamment la France où les originaires de la région de Matam forment le gros de la diaspora . La population susceptible de lire est donc réduite à la population scolaire et la bibliothèque Lire en Afrique est justement implantée dans le lycée et comporte 6000 livres adaptés aux besoins des élèves. En revanche, Ouro Sogui, situé à proximité, est plus peuplée et ne dispose d’aucune bibliothèque

Marietou nous informe du projet de 10 CLACS arabo-islamiques financés par l’USESCO (équivalent arabe de l’UNESCO). Les sites sont déjà choisis, les mobiliers rayonnages, tables chaises sont déjà là ainsi que les livres. La première installation est l’Institut Islamique de Medina. Sa bibliothèque de Matam pourrait donc devenir une bibliothèque arabo-islamique. Elle argumente que la population sénégalaise adulte parle couramment l’arabe et que les textes de littérature en langues nationales ont été transcris en écriture arabe, et qu’il y a donc nécessité de créer des bibliothèques pour arabisants.

Sébikotane

Suite au rapport d’Alioune sur le fonctionnement de Sébikotane et aux demandes répétées du maire (via Babacar Diouf) de nous rencontrer, nous téléphonons à Gana Fall pour organiser une réunion entre le maire, Babacar, Alioune, Gana et nous.
Lorsque nous arrivons à Sébikotane, le maire n’est pas là. Nous l’appelons sur son portable. Il a oublié la réunion, il est à Rufisque et ne reviendra pas. Il demande à Gana, conseiller municipal, de conduire la réunion et de lui rendre compte.
Les faits :

  • Alioune s’est rendu plusieurs fois à Sébi et soit la bibliothèque était fermée, soit la permanence n’ouvrait pas à l’heure, soit encore les usagers étaient renvoyés au prétexte qu’une réunion d’étudiants se tenaient dans la bibliothèque.
  • Babacar Diouf est maintenant enseignant à Dakar et il ne rentre que les week-ends.
  • Alors que 3 places leur étaient réservées, aucun bibliothécaire de Sébi n’a participé au stage et au dernier moment nous avons dû réaffecter les places à Matam, Thiaroye et Ouakam.

La réunion a été houleuse, Babacar Diouf se défendant mais Gana a appuyé toutes nos propositions.
On élargit l’équipe à des lecteurs volontaires, en associant si possible les élèves du CEM.
LEA se charge de rediffuser la formation à la gestion dans des séances pratiques qui se tiendront à la bibliothèque.
Gana marque son accord sur nos propositions et rendra compte au maire.

Demande pour Pout

Gana Fall est maintenant censeur au lycée de Pout, et le proviseur n’est autre que monsieur Ba, que nous avons rencontré à trois reprises déjà, à Rufisque quand il était professeur au lycée Abdoulaye Sadji, à Dagana et Mbacké où il était proviseur du lycée. Monsieur Ba lui demande sans cesse de nous demander une bibliothèque. Il a 1000 élèves originaires des villages alentour et les élèves font 10 km à pied aller et retour pour se rendre au lycée où ils passent toute la journée sans manger.
Il nous demande instamment de faire une bibliothèque à Pout.

DÉMARCHES

Rencontre de Marie N’dao, présidente de la commission culture au Conseil Régional de Dakar

Elle était en voyage, à Séville, ou elle participait, en tant que représentante de la région de Dakar à la rencontre mondiale des grandes villes « Métro polis ». Elle a rencontré là-bas l’association mondiale des femmes élues et va essayer de créer une organisation sénégalaise des femmes élues en réunissant pour commencer les élues du conseil régional.

Nous lui faisons part de l’avancée de notre enquête et du souhait de rencontrer le président du conseil régional, Abdoulaye Faye, pour discuter du projet régional en faveur de la lecture publique. Elle nous a dit qu’il venait de se marier avec une quatrième, qui elle aussi a eu déjà plusieurs maris successifs, sa conclusion : « Elle va nous vider la caisse et nous tuer le bonhomme ». Elle nous propose une réunion pour le lundi après-midi en nous recommandant de ne pas parler de l’Ile de France mais de nous recommander de LEA seulement, sinon les autres membres de la commission vont se douter qu’il y a des sous à la clé. Finalement Abdoulaye Faye ne sera pas disponible et nous ne le rencontrerons pas.

En ce qui concerne sa position, pour elle, avant toute opération de relance (complément de dotation, formation, action de terrain) il faut faire des spots télé avec des troupes de théâtre. C’est comme quand on fait une campagne de vaccination d’abord on fait la propagande à la télé et après on vaccine... On va avoir du mal à avoir une méthode de travail structurée avec elle.

Nous lui parlons des livres que nous venons de recevoir et demandons s’il y a possibilité d’entreposer les livres dans un local du conseil régional, en attendant le démarrage du projet régional. Elle nous propose immédiatement de lui donner les livres parce qu’elle va organiser une rencontre de jeunes et elle va leur distribuer. Nous devons lui expliquer la différence entre une bibliothèque, bien commun à disposition de tous, et la distribution individuelle de livres.

Alors que nous approchions de l’aéroport pour prendre notre avion retour, elle nous appelle pour nous demander de l’aider. Elle vient de recevoir une lettre d’un établissement scolaire qui lui demande du matériel didactique. Nous l’avons renvoyé sur Maguette Diop directrice des bibliothèques scolaires à l’éducation nationale sénégalaise.

Projet triennal FSP "relance de la lecture"

Marietou Diongue Diop souhaitait rencontrer Marie Girod et elle est venue le vendredi soir à Ouakam pour la clôture du stage. Nous lui avons donné la parole et elle a fait un discours général qui n’a pas impressionné les stagiaires « paroles, paroles ».

Nous l’avons interrogée sur la destinée de la palette de livres initialement envoyée par ADIFLOR en Inde et bloquée au port de Dakar, le navire étant interdit d’aller plus loin pour des questions de sécurité. ADIFLOR nous a proposé de nous donner ces livres, et a demandé également à la DLL de prendre en charge ce don avec les autres livres qui lui sont destinés. Après d’âpres discussions, Marietou a reconnu détenir une palette destinée à la Chine sans destinataire au Sénégal (malgré tous les courriers envoyés par ADIFLOR) . Nous n’avons eu aucun mal à prouver que la Chine était l’Inde et que le destinataire inconnu était LEA. Nous avons pu récupérer 16 cartons (sur 18 annoncés) et les avons entreposés à Ouakam.

Elle nous a fait savoir qu’elle n’avait pas apprécié notre refus d’accueillir dans notre stage en tant qu’observatrices les deux responsables du projet FSP Sandrine et N’deye Coumba. Quand elle a appris que Marie Girod était intervenue en tant que bénévole elle s’est gaussée du bénévolat en prenant Sandrine à témoin.

Elle nous a parlé du projet de bibliothèque de la région de Dakar auquel elle est vigoureusement opposée. Elle est contre la localisation à Yoff qui est excentré et contre le plan. Elle est favorable à une structure régionale pour la coordination des actions, le maillage, la formation et a reconnu que la bibliothèque dite régionale Blaise Senghor n’a de régional que le nom et pas les missions puisqu’il s’agit en fait d’une bibliothèque de quartier. L’Agence de Développement Municipal (Abdoulaye Sene) cherche des financements pour organiser un séminaire régional sur le projet de création d’une bibliothèque régionale, elle leur a répondu défavorablement, elle n’est pas d’accord sur le projets.

PLAN DE TRAVAIL POUR LA SUITE

Nous avons reconduit l’engagement d’Alioune pour 2 mois et avons engagé deux nouveaux (Mamadou N’doye et Adama Diène) à mi-temps pour de nouvelles missions , en plus de la rédaction du compte rendu du stage.

-  Le suivi du réseau dans la région de Dakar, sous la responsabilité d’Alioune Gueye.
Aux quatre bibliothèques déjà suivies s’ajoutera Thiaroye avec comme mission de mesurer la viabilité de ce projet. En effet, le centre de nutrition est fermé, Ousmane Dia travaille pour une ONG à Tambacounda. Les activités actuelles du centre doivent payer un loyer de 40 000 FCFA par mois à financer sur les ressources de l’activité : la garderie d’enfants et la bibliothèque qui compte 30 abonnés et repose uniquement sur Mamadou Corréa, par ailleurs très investi dans la bibliothèque.

-  L’organisation des animations, formation des autres bibliothécaires, sous la responsabilité d’Adama Dione. Il va organiser des séances d’animation à la bibliothèque Aminata Sow Fall de l’école Yoff 2

-  La poursuite de l’enquête sous la responsabilité de Mamadou N’doye